Apesanteur.

Le sol est lâché, la cité s’éloigne.
Nos corps s’enfoncent dans des sièges orange que des milliers d’arrière-trains ont foulé. Mon regard se perd dans le hublot de 600cm2, village de poupées. L’aile se penche, je tombe. Je tombe et mes yeux se brouillent de larmes. Une petite mort, une de plus, je meurs trop souvent depuis six mois, je vais finir par en crever.
On traverse la première couche de nuages, fine et translucide. La mini-cité devient fantôme jusqu’à la deuxième couche de nuages, épaisse et grise, qui la rend souvenir.
L’avion se secoue, le réacteur à ma gauche vrombit, je ferme les yeux et me retrouve en soirée drum’n’bass, comme je n’en ai plus fait depuis longtemps, je me rappelle bien cette sensation de vide comblée par l’irréalité de ce qui nous transcende, le cœur qui se secoue dans la poitrine, un peu comme maintenant, dans cet avion dont l’apesanteur paraît rêve.
Un éclat de lumière me réveille, nous voici au-dessus des nuages, bonjour lueur qui m’a tant manqué ces derniers jours. Bientôt j’apercevrai les cimes des Alpes d’une blancheur que personne n’est venu troubler, car seuls les oiseaux, les avions et les anges ont la chance de contempler cette magnificence de la nature.
Ma voisine de droite prie, son chapelet à la main. Sait-elle que cet avion est depuis quelque temps mon plus fidèle compagnon ?

Traverser le hublot et s’envoler. Si simple pour l’esprit, si difficile pour l’enveloppe charnelle. Je rêve de voler de mes propres ailes.
 
© Copyright Laetitia Carboni 2014 La cerise sur l'éclat de carbone.