Le dessin de mon avenir

Il y a quelques jours, tu m'as demandé comment je voyais mon avenir. La réponse a toujours été évidente pour moi, je préfère mourir tout de suite que de savoir à l'avance ce qu'il va m'arriver. Et puis tu m'as parlé d'un dessin. Un dessin imaginaire, un croquis, une ébauche, tu m'as dit "tu peux effacer, tu peux retoucher", un dessin au crayon avec une gomme à la main, et j'ai compris que ta question tenait du ressort du rêve. D'ailleurs c'est évident, tu es un rêveur, un romantique, un traceur d'images et de paroles d'une langue que je maitrise à peine.
L'idée m'a plu. Tant et si bien qu'elle m'obsède depuis lors. Mettre au défi mon imagination.
Tu sais, je crois que je m'empêche de rêver mon avenir parce que j'ai peur. Peur d'être déçue. Car j'ai toujours été déçue. Mais c'est un autre débat.
Traçons donc ce croquis.
Je vais commencer par le haut.
Bien sûr, un soleil. Celui dont les rayons réchaufferaient mon corps, caresseraient ma peau et la ferait dorer, blondiraient mes cheveux et les poils de mes bras. Sous le soleil, je trace une chaise longue dans un jardin aux allures sauvages. Dans mon jardin, il y a aussi un olivier, un oranger, un figuier, un potager avec des tomates et des courgettes, et un étang avec des petites grenouilles que mes futurs enfants pourront s'amuser à attraper. J'aimerais aussi des herbes, du romarin, du basilic, du persil. Et des fleurs, je ne sais pas encore lesquelles. Disons simplement des fleurs. J'aimerais pouvoir me balader dans mon jardin et sentir l'odeur des tomates, du basilic, du romarin et des fleurs.
Mais j'avais commencé par le soleil. À côté du soleil je mets quelques nuages blancs, comme ça je pourrai m'allonger sur ma chaise longue et me perdre dans les nuages. Et la nuit, j'aimerais me perdre dans les étoiles. J'habiterai loin des lumières de la ville, rien que pour mieux voir les étoiles. Sous le ciel, il y a des collines à perte de vue. Non pardon, j'efface. C'est moi qui suis sur la colline. Et de ma maison, au loin, je peux voir la mer. D'ailleurs, dans mon jardin, il y a un garage à vélos, et je peux descendre à la mer avec mon vélo en une quinzaine de minutes. La mer est transparente, et je dessine plein de petits poissons dedans, de toutes les couleurs. Il y a aussi une plage de sable blanc et le soleil qui se couche derrière l'horizon.
À côté de mon jardin, il y a ma maison. Je ne peux encore la dessiner avec exactitude, mais je sais qu'elle sera blanche et bleue. Dedans, il y aura une salle de sport, une cuisine dans laquelle je pourrai cuisiner les légumes de mon jardin, une chambre avec une fenêtre qui donne sur la mer, et mon bureau. Partout, les meubles seront choisis avec soin. Je trace au crayon des pièces d'antiquaires, quelques œuvres d'art, des photos accrochées au mur. Dans mon bureau, il y aura un escalier en colimaçon qui mènera à une mezzanine avec un bureau en bois orienté face à une baie vitrée qui donnera sur mon jardin. Ici, j'écrirai. En bas des escaliers en colimaçon, j'aurai aménagé la pièce de façon à recevoir mes futurs patients. Là, nous pourrons travailler sur la partie passive, mais je pourrai aussi descendre avec eux dans ma salle de sport pour travailler sur la partie active.
Dans le ciel, il y a aussi un avion. Je continuerai à voyager aussi souvent que possible. Peut-être pour mon travail, en admettant que je me penche également sur l'aspect compétition et que j'accompagne mes patients pour leur apporter le soutien psychologique nécessaire et indispensable à leur performance. Et puis aussi pour voir ma famille. Et enfin simplement pour le plaisir de voyager.
Dans mon lit, dans mon jardin sur ma chaise longue, dans ma salle de sport et autour de ma table à manger, il y a une place vide pour une autre personne. Et aujourd'hui, cette personne, c'est toi. Dessiné au crayon.
 
© Copyright Laetitia Carboni 2014 La cerise sur l'éclat de carbone.