Mon amour, tu m'effraies.

Mon amour, je te crie sur la toile les mots que tu n'es pas prêt à entendre, dans une langue qui n'est pas la tienne et que tu ne peux comprendre.
Mon amour, tu m'effraies. Tu me dis que je réveille en toi une personne méchante, une part de toi dont tu as honte, je vais te dire ce qu'elle est: un monstre. Un monstre capable de manipuler ma douleur et se délecter de la vue de mes larmes, un monstre au regard vide qui m'insulte et m'écrase et m'observe froid sans la plus minime des compassions. Il choisit ses mots avec soin, il choisit encore mieux ses silences. Celui qui détruit mon cœur et s'échappe. Je ne calcule plus le nombre de fois où tu m'as laissée seule avec ma peine. La porte qui claque, la voiture qui démarre, le néant.
Mon amour, je vis maintenant avec cette crainte: quelle est la limite du monstre qui t'habite? A notre dernière dispute, tu m'as menacée de me frapper. Éteins encore une fois cette lumière et je te frappe au visage. Je t'attrape par les cheveux et je te traîne jusqu'à l'autre bout de la pièce.
Que ce serait-il passé si j'avais éteint la lumière à nouveau? Cette question me hante. M'aurais-tu frappée comme tu l'avais dit? Et si ma tête avait cogné sur le coin de la table basse? Et si je m'étais évanouie? Qu'aurais-tu fait? Serais-tu resté de marbre comme face à mon désespoir? Et si j'étais morte? Aurais-tu fui? Appelé une ambulance? Réveille-toi, avant qu'il ne soit trop tard. Redeviens l'homme que j'aime avant de faire quelque chose que tu regretterais. Réveille-toi. Peut-être devrais-je le dire à moi-même... Si seulement j'avais la formule magique pour faire fuir le monstre... Mais ni mes baisers ni mon amour n'ont ce pouvoir. Et pourtant j'essaie, encore et encore. Et plus j'essaie de te donner mon amour, plus le monstre profite de ma faiblesse pour m'écarteler davantage.
Le monstre ne s'en va que lorsque tu le décides, après une heure, un jour, une semaine, trois mois. Même si tu es convaincu que je suis celle qui le réveille. Après tout, c'est plus simple si c'est de ma faute.
Et lorsque je te demande de chercher ensemble une solution pour éviter ces disputes passionnées, ta réponse est simple: il suffit de ne pas te "casser les couilles", il suffit de ne pas t'énerver.
Et je crois... Que c'est ce que disent les hommes violents.
Toi, tu es violent avec l'âme. Pas avec les mains. Et j'espère que tu ne le seras jamais. 
Mon amour, tu m'effraies. Et je ne peux t'en parler. J'ai essayé, sans succès. Je ne peux en parler à mes proches qui me conseilleront de te quitter. La seule fois où je t'ai perdu, mon monde s'est effondré... J'aurais donné ma vie pour avoir la chance de te serrer à nouveau dans mes bras. Je ne peux perdre l'homme qui m'apporte le café au lit le matin, qui m'enlace ou pose sa tête contre la mienne pour s'endormir, cherche ma main au milieu de la nuit. Celui qui caresse mes cheveux lorsque je pose ma tête sur ses genoux, qui m'appelle tous les jours à toute heure de la journée pour savoir comment je vais, qui m'apporte la pharmacie toute entière lorsque je suis malade et un sac entier des pâtisseries les plus délicieuses du monde lorsque j'ai un petit creux. Celui qui a pris le premier avion pour me rejoindre lorsque je suis tombée de mon vélo. Celui qui parcourt 600km en voiture pour savoir ce que ça fait que de prendre ma main. L'homme le plus attentionné et le plus généreux que je n'aie jamais rencontré. Mon homme. Celui que j'aime. Mon amour.
 
© Copyright Laetitia Carboni 2014 La cerise sur l'éclat de carbone.