Sais-tu
depuis combien de temps je n’avais plus pleuré à m’en détruire les yeux, depuis
combien de temps je n’avais pas eu l’audace d’être un instant déraisonnable,
depuis combien de temps je n’avais pas laissé mon corps dominer ma pudeur, mon cœur
dominer ma raison ?
Flashes. Ma mémoire est teintée
d’instants pris sur le vif, des photographies d’émotions, qu’elles seules
peuvent susciter. Les connexions établies par mes neurones sont intemporelles,
elles n’ont pas d’âge, seule la puissance de l’instant détermine la force du
souvenir. Ce qui est fascinant, c’est que chaque activation déclenche une copie
imparfaite, disproportionnée, de l’émotion ressentie lors de l’événement
rappelé.
Comment pourrais-je t’en vouloir ?
Tu m’as réveillée. Réveillé une âme endormie par un quotidien terne et
monotone. À vrai dire, c’est exactement ce que je cherchais. Ce qui a de
premier abord suscité mon intérêt. Ton instabilité a été le moteur de notre
histoire. À l’image d’un électron libre, elle nous a attirés et repoussés l’un
et l’autre à tour de rôle. Tout est implicite, tout est explicable. Mon âme,
plus torturée encore que la tienne, a disséqué chaque parcelle de toi, de moi,
de nous. L’inspiration m’habite de manière constante. Je n’ai jamais autant
écrit que depuis notre rencontre, depuis notre rupture. C’est douloureux, et
tellement bon à la fois. La question n’est même plus de savoir si j’ai aimé un
homme ou simplement l’image que je m’en faisais. Ce que j’ai aimé, c’est me
sentir vivante. Ce sentiment qui persiste encore aujourd’hui. Ce que j’ai aimé,
c’est accepter de perdre le contrôle. Être jeune. Puissante. En vie. Ivre d’amour,
ivre de bonheur, de tristesse, de rage. Ivre. La tête qui tourne, les pieds qui
décollent.
C’est maintenant que tout
commence.