Ennui. Baudelaire avait tout compris. Dans la ménagerie infâme de nos vices, il en est un plus laid, plus
méchant, plus immonde ! (…) C’est l’ennui !
L’ennui, c’est le constat des limites du réel.
Que faire ? Rien n’a d’attrait. Tout semble fade.
Indigne d’intérêt.
Tout semble connu et reconnu, discerné, décortiqué,
routinier.
Alors, à quoi donc consacrer toute l’énergie qui s’agite
en soi, boule d’énergie au creux du nombril qui se répand jusqu’au bout des
membres, rendant les veines saillantes, raidissant les muscles, comment se
libérer de cette puissance cognitivo-paralysante ?
De l’eau. Une douche brûlante. La chair de poule. Ce n’est
pas suffisant.
Du sexe. Un orgasme, non deux, puis-je aller jusqu’à
trois ? Toujours insuffisant.
De la bouffe. Des sucres lents, du pain, des pâtes, une
pizza, du chocolat, n’importe quoi, avaler pour remplir le vide de l’ennui,
j’ai mal au ventre, je me sens lourde et c’est toujours insuffisant.
L’ennui est devenu un poison qui coule dans mes veines.
Des images traversent mon esprit, teintées du rouge de l’hémoglobine,
assourdies par les percussions et la voix rauque d’un groupe de rock,
contaminées par le noir du vice. Mon esprit se perd, les démons ont pris
possession de lui. Je vois des reflets de couteaux d’acier glisser sur une peau
blanche, je vois un félin en train de dévorer sa proie, la gueule ensanglantée,
la chair qui se déchire, je vois du liquide noir et visqueux couler le long
d’une paroi glacée. Cessez tout, cela m’épuise, j’ai besoin de sommeil, il faut
que ça sorte, il faut que toute cette énergie s’échappe, je ne comprends plus
rien, mon âme ne m’appartient plus, je dois retrouver le contrôle, il me faut
de la violence, de la douleur, un frisson de soulagement dans le haut de mon
dos, mes tensions qui se relâchent, mon cœur qui s’apaise.
Je ne peux pas.
Ce n’est pas bon pour moi.
J’ai juré d’arrêter.
Je ne veux plus de cicatrices.
Substituts qui pallient à la pire des addictions. Le sexe,
l’alcool, la bouffe, le sport, l’eau, la musique. C’est comme donner du tofu à
un carnivore. Pour survivre. Mais la faim subsiste. J’ai faim de violence.
Et l’écriture… l’écriture. Seul substitut véritable.
Merci.