Les yeux a peine ouverts et déjà le
cœur qui s'emballe, une autre journée, toujours plus courte que les autres, je
ne me suis pas démaquillée, le mascara colle mes yeux fatigués par mes cinq
heures quotidiennes de sommeil agité, j'ai chaud, j'aimerais prendre une douche
froide, pourtant c'est un début d'hiver, le soleil est timide, le froid saccage
mes mains. J'aimerais tout apprendre, tout revoir, après quatre ans, pour la
première fois ne pas jouer mon avenir au poker, je n'y arrive pas, je dois
chercher mon courrier chez mon ex, la télécommande du lecteur bluray, mes
instruments que je ne touche jamais, j'aimerais chanter, aller au sport tous
les jours, je n'ai pas le temps, j'aimerais que les mails cessent de pleuvoir,
c'est une tare ces mails, tout doit aller si vite, encore un café, je tremble,
j'aimerais passer mon permis aussi, je n'y crois plus. Je sors un peu trop
souvent, sans savoir ni pourquoi ni comment, je n'aime pas la nuit, les nuits
d’hiver sont trop longues. J'ai des absences, mon corps qui s'arrête, mon
cerveau aussi, lui surtout, je crois qu'il surchauffe, j'écris mais ça me prend
trop de temps, j'ai à faire, et pourtant le reste est sans importance. Que
vais-je manger ce midi, manger par habitude, par réflexe, sans saveur, depuis
quand ne me suis-je pas assise a une table, déguster un repas préparé avec
amour, comme je savais si bien les faire, mesdames les féministes, je suis née
dans les années 90 et je rêve pourtant de cuisine et de foyer familial à
entretenir, j'aime le second plan, être la bassiste, celle qui créé le lien
entre la mélodie et la rythmique, je ne rêve pas de briller mais bien de
regarder les étoiles, je rêve de lucidité, cette lucidité qui causera ma perte,
je rêve d'être l'éternelle observatrice des beautés que le monde nous offre, je
rêve de participer a l'œuvre humaine, toucher la beauté par la sincérité de mon
être et de mon art, je devrais alors me couper de tout, me distancer de tout,
des boîtes dans lesquelles la société nous enferme, j'aspire a la liberté. À
l'amour aussi. Petit oiseau de nuit qui se frotte à mon cœur, découvre avec moi
la lumière du jour, éloignons-nous des murs de bétons, du bruit, des mots et
des maux, des autres et des obligations, coupons-nous du monde un instant, un
plan d'eau, l'odeur des arbres, les animaux sauvages, comme dans les contes
d'enfants, sois ma princesse du pays merveilleux, sans dragon ni méchante
belle-mère, prends mes mains, blottis-toi contre moi, embrasse-moi.
Que tout soit calme, enfin.