41°53'N 12°30'E vs 46°12'N 6°09'E

Deux maisons…

L’une d’elles, petit appartement de cinquante mètres carré donnant sur une cour extérieure. Effluves de sauce tomate à partir de onze heures du matin, musique de banjo à partir de neuf heures du soir. Mon basilic sur le rebord de la fenêtre, mon vieux téléviseur carré qui fait un bruit d’enfer, ma cuisinière à gaz, le bidet dans la salle de bains. Un salon rouge, une chambre bleue. Un sommeil réparateur dans un lit neuf, une mezzanine pour se rouler en boule et se couper du monde. Bianca, colocataire végétale coquine et paresseuse. Par la fenêtre de la chambre, un immeuble bronzé aux câbles qui tombent du toit pour alimenter les familles d’en face.

L’autre, grand appartement calme aux meubles qui ne sont pas les miens. La table du salon que j’ai rénovée, le grand tapis persan devant la cheminée bouchée. Un balcon sur lequel je peux rester des heures, bravant le froid et la pluie, juste pour le plaisir d’y être. Un lit à partager. Une cuisine à exploiter. Une cave à vin. Mes robes de soirée dans le placard. Le silence.

Dans deux villes…

Une capitale si grande que pour la connaître, une vie entière ne suffirait pas. Des places aux mille fontaines, des édifices chargés d’histoire, des rues pavées. Des églises à couper le souffle que je ne me lasserai jamais d’admirer. Des vieilles femmes chargées de courses qui marchent d’un pas irrégulier dans leurs robes noires. Buongiorno dans leur bouche devient un bruit humide se situant entre le soupir et l’aboiement. Je leur réponds de mon italien amateur, celui qui appuie un peu trop sur le r. Des rues sales, des tags sur les murs. De l’agitation, de la désorganisation. Des odeurs de pizza, de poisson, de pollution, de pisse. Une ville qui bouge, une ville qui vit. Jamais d’ennui.

L’autre, autour d’un lac, entre les montagnes, ville de mon enfance. Petite cité que je connais par cœur, cité d’un pays que j’aime pour ses paysages et admire pour ses valeurs. Propreté, simplicité, discrétion. Population froide, femmes au regard hautain et au sourire hypocrite perchées sur leur Louboutin. Restaurants délicieux, restaurateurs orgueilleux. Organisation, précision. Tout est parfait, on s’y plaît, trop parfait, on s’ennuie.

Une capitale qui appelle à l’action.
Une cité qui appelle à la contemplation.

Deux nations…

L’une qui coule dans mon sang et l’autre qui coule dans mon cœur.

Deux Langues…

L’une qui résonne dans mes tempes et l’autre qui fait vibrer ma plume.

Deux vies…

Une vie d’étudiante aux soirées rythmées par les rencontres, aux journées enfermées dans la sempiternelle salle de cours donnant sur une cour extérieure. Machine à café, soleil. Une vie indépendante, femme libre et assurée. Une vie solitaire, balades dans rues inconnues, instants pyjama devant petit écran, ménage et lessive. Une vie socialement féminine, grande nouveauté. Une vie sans pressions sociales, une vie pour moi.

Et une vie de femme amoureuse, une vie de fille, une vie de sœur, une vie d’amie. Une vie excessivement chère, restos entre amis, courses excessives pour homme affamé. Sortir de chez soi, et se faire scruter. Devoir paraître et rendre envieux. Au final, être simplement soi-même, rejeter ces normes sociales. Une vie apaisante, des lieux connus, des habitudes. Une vie proche de ceux que j’aime. Une vie dédiée à ceux que j’aime. Ma vie.

Deux vies.

L’une s’appelle découverte et l’autre sérénité.


 
© Copyright Laetitia Carboni 2014 La cerise sur l'éclat de carbone.