Deux maisons…
L’une d’elles, petit appartement de cinquante
mètres carré donnant sur une cour extérieure. Effluves de sauce tomate à partir
de onze heures du matin, musique de banjo à partir de neuf heures du soir. Mon
basilic sur le rebord de la fenêtre, mon vieux téléviseur carré qui fait un
bruit d’enfer, ma cuisinière à gaz, le bidet dans la salle de bains. Un salon
rouge, une chambre bleue. Un sommeil réparateur dans un lit neuf, une mezzanine
pour se rouler en boule et se couper du monde. Bianca, colocataire végétale
coquine et paresseuse. Par la fenêtre de la chambre, un immeuble bronzé aux câbles
qui tombent du toit pour alimenter les familles d’en face.
L’autre, grand appartement calme aux meubles qui
ne sont pas les miens. La table du salon que j’ai rénovée, le grand tapis
persan devant la cheminée bouchée. Un balcon sur lequel je peux rester des
heures, bravant le froid et la pluie, juste pour le plaisir d’y être. Un lit à
partager. Une cuisine à exploiter. Une cave à vin. Mes robes de soirée dans le
placard. Le silence.
Dans deux
villes…
Une capitale si grande que pour la connaître, une
vie entière ne suffirait pas. Des places aux mille fontaines, des édifices
chargés d’histoire, des rues pavées. Des églises à couper le souffle que je ne
me lasserai jamais d’admirer. Des vieilles femmes chargées de courses qui
marchent d’un pas irrégulier dans leurs robes noires. Buongiorno dans
leur bouche devient un bruit humide se situant entre le soupir et l’aboiement.
Je leur réponds de mon italien amateur, celui qui appuie un peu trop sur le r.
Des rues sales, des tags sur les murs. De l’agitation, de la désorganisation.
Des odeurs de pizza, de poisson, de pollution, de pisse. Une ville qui bouge,
une ville qui vit. Jamais d’ennui.
L’autre, autour d’un lac, entre les montagnes,
ville de mon enfance. Petite cité que je connais par cœur, cité d’un pays que
j’aime pour ses paysages et admire pour ses valeurs. Propreté, simplicité,
discrétion. Population froide, femmes au regard hautain et au sourire hypocrite
perchées sur leur Louboutin. Restaurants délicieux, restaurateurs orgueilleux.
Organisation, précision. Tout est parfait, on s’y plaît, trop parfait, on
s’ennuie.
Une capitale qui appelle à l’action.
Une cité qui
appelle à la contemplation.
Deux nations…
L’une qui coule dans mon sang et l’autre qui
coule dans mon cœur.
Deux Langues…
L’une qui résonne dans mes tempes et l’autre qui
fait vibrer ma plume.
Deux vies…
Une vie d’étudiante aux soirées rythmées par les
rencontres, aux journées enfermées dans la sempiternelle salle de cours donnant
sur une cour extérieure. Machine à café, soleil. Une vie indépendante, femme
libre et assurée. Une vie solitaire, balades dans rues inconnues, instants
pyjama devant petit écran, ménage et lessive. Une vie socialement féminine,
grande nouveauté. Une vie sans pressions sociales, une vie pour moi.
Et une vie de femme amoureuse, une vie de fille,
une vie de sœur, une vie d’amie. Une vie excessivement chère, restos entre
amis, courses excessives pour homme affamé. Sortir de chez soi, et se faire
scruter. Devoir paraître et rendre envieux. Au final, être simplement soi-même,
rejeter ces normes sociales. Une vie apaisante, des lieux connus, des
habitudes. Une vie proche de ceux que j’aime. Une vie dédiée à ceux que j’aime.
Ma vie.
Deux vies.
L’une s’appelle découverte et l’autre sérénité.